p. 105 du texte E).
41.Voir Œuvres I, op. cit., p. 49.
42.Geert Lernout, « The Finnegans Wake Notebooks and Radical Philology », dans Probes: Genetic Studies in Joyce, David Hayman et Sam Slote eds, Amsterdam, Rodopi, 1995.
43.Par exemple : « LADY, – God henceforth will protect you from my rude manners […] If, in future, I impose upon myself more frequent acts of self-denial […] rest assured that this is because I am determined, above all else, to obtain forgiveness. » Lettre de Richard Wagner à Mathilde Wesendonck du 17 mars 1853, traduite dans Woman the Inspirer. Cité par Geert Lernout, op. cit., qui ne pouvait pas avoir connaissance de notre texte B.
44.Voir la préface de Gaston Paris : « C’est donc un poème français du milieu du douzième siècle, mais composé à la fin du dix-neuvième, que contient le livre de M. Bédier. C’est bien ainsi qu’il convenait de présenter aux lecteurs modernes l’histoire de Tristan et d’Iseut, puisque c’est en prenant le costume français du douzième siècle qu’elle s’est emparée jadis de toutes les imaginations, puisque toutes les formes qu’elle a revêtues depuis remontent à cette première forme française, puisque nous voyons forcément Tristan sous l’armure d’un chevalier et Iseut dans la longue robe droite des statues de nos cathédrales. Mais ce costume français et chevaleresque n’est pas le costume primitif ; il n’appartient pas plus à nos héros qu’à ceux de la Grèce et de Rome que le Moyen Âge en affublait au même temps. […] En combinant les indications souvent bien fugitives des conteurs français, on arrive à entrevoir ce qu’a pu être chez les Celtes ce poème sauvage, tout entier bercé par la mer et enveloppé dans la forêt », dans Joseph Bédier, Le Roman de Tristan et Iseut, Paris, Piazza, 1910, pp. 10-11.
45.C’est le carnet VI.A ou Scribbledehobble.
46.Voir David Hayman, The “Wake” in Transit, op. cit.
47.VI.A, p. 301 (Scribbledehobble, p. 81). Tantris est le transparent pseudonyme sous lequel Tristan blessé se fait soigner par Iseult en Irlande. Ceci est bizarrement rapporté à Ezra Pound (EP), que Joyce soupçonnait peut-être de nourrir de sombres desseins.
48.À partir de 1927, quand on parlait à Joyce d’Ulysse, il lui arrivait de demander : « Qui a écrit ce livre ? » Voir Richard Ellmann, James Joyce, op. cit., p. 590.
49.Au point d’avoir la tentation de la transmettre à autrui, ou du moins d’introduire un tiers dans le processus de création. Ainsi, à la fin de septembre 1926, il demande à Miss Weaver de lui passer une commande sur un sujet de son choix, qu’il exécuterait en bon artisan, pour en faire la première page de son livre. Enfin, quelques années plus tard, il conçut le projet insensé de confier l’achèvement de Finnegans Wake à l’écrivain irlandais James Stephens.
50.Voir Finnegans Wake, pp. 383-399, et la traduction de Philippe Lavergne (Gallimard, 1982), pp. 407-422.
51.Danis Rose soutient que Joyce avait l’intention de publier ces vignettes en un recueil qui, sous le titre de Finn’s Hotel, aurait constitué une sorte de pendant au volume de nouvelles de Dubliners (voir par exemple Danis Rose, The Textual Diaries of James Joyce, Dublin, Liliput, 1995, p. 21, et aussi la préface de la récente édition qu’il en a proposée chez Ithys Press en 2013). Aucun élément sérieux ne permet d’étayer une telle affirmation. Il est en tout cas certain que ces esquisses n’ont jamais atteint un état d’achèvement suffisant pour leur permettre de figurer dignement au côté de ces joyaux de perfection que sont les nouvelles de jeunesse et qu’elles n’ont jamais rempli les critères de l’« approbation interne » de Joyce. Seul, nous l’avons vu, notre texte E [Mamalujo] commence à ressembler à un texte que Joyce acceptera de publier. Il est donc tout à fait abusif de présenter ces brouillons comme des œuvres.
NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION
Les pages de gauche de cette édition bilingue proposent une transcription des tout premiers brouillons de ce qui deviendra, quinze ans plus tard et après d’intenses transformations, le quatrième chapitre du livre II de Finnegans Wake. Toute transcription est interprétation, particulièrement quand il s’agit d’un manuscrit en ébullition, où passe le souffle de la création. Je prends donc la responsabilité des choix que j’ai dû opérer, mais je suis très reconnaissant à Luca Crispi, qui m’a donné accès à ses propres transcriptions des manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale d’Irlande, et à David Hayman, qui avait transcrit, il y a un demi-siècle, les brouillons conservés à la British Library. Pour faciliter la lecture, j’ai préféré offrir une version totalement linéaire, où n’apparaissent pas les suppressions et les ajouts (que j’ai signalés en note quand ils me semblaient significatifs). Je ne me serais pas livré à un pareil aplatissement si le lecteur ne pouvait très commodément se référer à l’image des manuscrits, accessible sur le site de la Bibliothèque nationale d’Irlande1, pour ce qui est des vignettes récemment découvertes (A, D et la moitié de B), ou aux transcriptions très complètes de David Hayman, pour les manuscrits conservés à la British Library et qui étaient connus depuis longtemps (C, E et la moitié de B), sur le site de la bibliothèque de l’université du Wisconsin2, ou encore aux fac-similés publiés dans le volume 56 de la James Joyce Archive 3.
Sur les pages de droite, Marie Darrieussecq propose une traduction de ces brouillons. Je n’ai ajouté que très peu de notes à ce texte français, donnant seulement quelques références culturelles qui pourraient manquer au lecteur. En revanche les notes appelées dans le texte anglais, qu’on retrouvera en fin de volume, s’adressent à un public plus spécialisé. En plus des principales modifications portées par Joyce sur le manuscrit, je me suis efforcé d’y indiquer, quand c’était possible, la provenance des différents éléments qui y figurent, ce qui permet d’apprécier le travail de mosaïste effectué par Joyce à partir de ses carnets.
D. F.
1.http://catalogue.nli.ie/Record/vtls000252560
2.http://digicoll.library.wisc.edu/cgi-bin/JoyceColl/JoyceColl-idx?type=article&did=JoyceColl.HaymanFirstDrft.i0025&id=JoyceColl.HaymanFirstDrft&isize=M
3.Danis Rose ed, New York, Garland, 1978.
BROUILLONS D’UN BAISER
a) [Portrait d’Iseult]
Côté prudence, elle laissait toujours la clef de son armoire dans la serrure de son armoire, la plume de son encrier dans le col de son encrier, le pain sur la plaque tiède. Jamais ils ne se perdaient. Elle était loin d’être cruche. & on ne l’avait jamais prise à mentir. Côté instruction en géog elle savait que l’Italie est une botte cavalière, l’Inde un jambon rose & la France un plaid en patchwork, et elle pouvait dessiner la carte de la Nouvelle-Zélande, île du N & du S, toute seule. Côté instruction en zoog elle connaissait l’agneau, l’agneau un jeune mouton. Côté charme elle savait faire démonstration de ses jambes en bas couleur chair sous une jupe aussi droite que possible dans les diverses positions d’une Sainte Nitouche, Tatie Nancy, escabeau beau beau montre-moi tes cornes, petits pois, comète jolie, je t’aime un peu beaucoup, drôle de tartine, aime-moi mon amour, mon levier pour toujours. >VO
Côté santé elle fut la seule à la maison à avoir la rougeole & quand elle était bébé au biberon tous ses amis admiraient ses anglaises. >VO
Côté arts ménagers elle ramonait la cheminée en mettant le feu à un Irish Times et en le fourrant flambant dans le conduit et elle lavait le hall en posant son parapluie ouvert mouillé et ses galloches en cailloutchou dégouttiérant dans un coin. Bon Dieu, ça y allait avec elle, Bon Dieu, ça y allait bien ! >VO
Côté piété, tous les jours que Dieu faisait sur terre, emballée c’est pesé sa petite prière, son patternoster de cinq secondes, au lit dodoraison, bien envoyé : >VO
— Norepère quiètesosseu ctonom soixantifié cton raigne aride ctavolté safête slater commauciel. Donoud’hui pain bonbondien. Robe nous offense codom aussi noffensé. Et soupe patates mais deux livres de mâles. Amène. >VO
Côté pitié il y avait des moments où elle avait même pitié du satané vieux diable lui-même qui faisait de démones patiencesA après son déjeuner d’air chaud et qui s’éventait avec ses pantoufles en amiante dans sa chambrefroide en enfer. >VO
Et fouhlala, béni soit son joli minois, elle en avait frappé des cocktails, sans blague, pour des pistoliers des hommes armés des parabellumites et des munitioneurs de toutes les baronies d’Irlande. Elle pouvait faire deux choses à la fois, cuisiner du hâchis et lire Harry Coverdale et sa cour assidueB. >VO
Côté charité un jour où il faisait un froid de rhume elle tomba sur une mendiante dans le parc et, faute de monnaie, elle se cacha derrière des ronces & ôta son jupon brindillé et le donna à la mendiante qui disparut sur-le-champ (il s’agissait en fait de Sainte DympnaC qui avait monté ce spectacle de pauvreté tout exprès) avec le jupon. Un autre jour il y eut une pestilence causée par un certain dragon qui disait que ça continuerait pour toujours à moins qu’elle n’ôte tous ses atours et marche à travers l’Irlande, mer à main gauche. Ce qu’elle fit, mais elle s’était fait peindre tout le corps en vert, où que naturellement possible et aussi loin que mère nature le permettait. Et quand ils entendirent la plainte des BanshiesD et le bistrot du port annonçant sa sortie, la langueur de la mort s’empara de tout le monde & tout le monde ferma tous les volets en Irlande. Le dragon ni une ni deux mit la patte sur les grands et propres idéaux & se convertit et entra au couvent. >VO
b) [Tristan & Iseult]
Lui, le gentleman, avait une tête de bicarbonate. D’abord c’était un martyr de l’indigestion, plutôt enclin aux hémorroïdes à force de s’asseoir sur les murs de pierre en se repaissant de la