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    2. Brouillons d'un baiser
    3. Chapitre 3
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    ce livre je rends compte d’une expérience humaine extrême dans ce monde et ce temps qui sont les nôtres. »

    6. Il disait écrire « pour la description et l’éclaircissement du monde par le mot » (dans Calculs 1, Roses et Poireau, 1955, traduit de l’allemand par Claude Riehl, Dominique Dubyu et Pierre Pachet, Nadeau, 1994, p. 164).

    7. Arno Schmidt, Remerciements pour le prix Goethe, 1973, traduit de l’allemand par Aglaia I. Hartig, Po&sie n° 57, éditions Belin, 1991.

    8. 1975-1976.

    9. http://jamesjoycetower.com/.

    INTRODUCTION

    Par où (re)commencer,

    ou de Tristan à Finnegan

    « Sur les femmes nues des musées, au gué, au gué,

    Faisait l’brouillon de ses baisers, au gué, au gué. »

    GEORGES BRASSENS

    Octobre 1922. Joyce est en vacances à Nice, se reposant des fatigues de l’écriture et du lancement d’Ulysse 1. Malgré de graves problèmes oculaires qui mettent sa vision en péril, il en profite pour dresser une liste d’erreurs à corriger dans la prochaine édition. Vers la fin du mois, sur la première page d’un bloc sténographique, il note encore six corrections à exécuter dans l’épisode du « Cyclope » et s’interrompt soudain pour inscrire la phrase suivante : « Polyphème est l’ombre d’Ul[ysse]2. » C’est fini. Il ne reprendra jamais l’errata. Le chantier d’Ulysse se clôt ainsi, sur l’idée d’une part obscure, d’une dimension nocturne du divin Ulysse. Le chantier de Finnegans Wake s’ouvre dans le prolongement immédiat de cette ombre portée cyclopéenne. En effet, à la ligne suivante, Joyce note le mot « clipper », relevé dans un article du Daily Mail daté du 22 octobre 1922. Un an plus tard, il rayera ce mot au crayon de couleur bleu et l’insérera dans un récit du baiser de Tristan et Iseult, qui deviendra, quinze ans après, le noyau du douzième chapitre de Finnegans Wake.

    Pourquoi cette transition est-elle à la fois si brusque et si laborieuse ? Quel rôle jouent Tristan et Iseult et leur baiser dans cette histoire ? Quelques manuscrits récemment mis au jour3 nous aident à y voir plus clair, si on les met en rapport avec d’autres, qui étaient connus depuis longtemps4, mais qui restaient énigmatiques. Ils nous permettent du même coup de découvrir une facette inattendue de Joyce : une écriture simple, presque linéaire. Et viennent nous rappeler l’importance prédominante du comique dans les œuvres de sa maturité : un comique souvent grinçant, parfois potache ou même enfantin.

    Sortir de l’ombre d’Ulysse ?

    Du point de vue surplombant de l’histoire littéraire, rien n’est plus évident que la continuité entre les deux grands livres de Joyce. Il suffit d’extrapoler les audaces d’Ulysse − ou mieux encore de tirer un trait qui irait de Gens de Dublin au Portrait de l’artiste en jeune homme, puis du Portrait aux premiers épisodes d’Ulysse, qui en sont la continuation, puis de suivre la transformation radicale du style qui se poursuit tout au long du livre au fil d’épisodes de plus en plus déconcertants, et enfin de prolonger ce trait pour désigner la place où Finnegans Wake ne pouvait manquer de s’inscrire. Une telle vision, aussi incontestable qu’elle apparaisse rétrospectivement, est trompeuse, car elle ne rend pas compte du désarroi profond des premiers lecteurs d’Ulysse quand ils furent confrontés à Finnegans Wake : ils furent souvent épouvantés, car ce n’était pas du tout ce à quoi ils s’attendaient. Elle est surtout encombrante pour qui voudrait comprendre comment une telle œuvre a pu réellement être écrite. Elle ne dit rien de la multitude des possibles qui s’ouvraient devant Joyce à partir d’Ulysse, ni de toutes les impossibilités qu’il a fallu transgresser pour aller plus loin. Elle ne dit rien non plus de l’obstacle que pouvait constituer Ulysse même.

    Imagine-t-on ce que cela peut être que d’avoir écrit Ulysse à quarante ans ? Par superstition, Joyce avait insisté pour que le livre paraisse le jour de son quarantième anniversaire, le 2 février 1922, quelques journées à peine après avoir mis la dernière main au texte. Mais bien avant cette sortie, bien avant son achèvement, l’œuvre était déjà célèbre, portée aux nues par certains, vouée par d’autres aux poubelles de la littérature. Une version des premiers chapitres avait été publiée en feuilleton dans deux revues d’avant-garde américaine et anglaise, jusqu’à ce qu’une série de procès pour obscénité vienne brutalement interrompre la parution. Sur la base de ces textes, qui représentent moins d’un tiers de l’ouvrage définitif, et sur la foi de ce que laissait présager le Portrait de l’artiste en jeune homme, de nombreux articles avaient été écrits, soulignant l’importance novatrice ou dénonçant l’influence néfaste du livre à venir. Comme le disait avec raison Valery Larbaud en présentant Joyce au public parisien au mois de décembre 1921, plusieurs semaines avant la publication d’Ulysse : « Il n’y a pas d’exagération à dire que, parmi les gens du métier, son nom est aussi connu et ses ouvrages aussi discutés que peuvent l’être, parmi les scientifiques, les noms et les théories de Freud ou de Einstein5. » C’est au cours de cette retentissante conférence que fut dévoilée l’existence du fameux schéma explicitant la vocation encyclopédique, organiquement et symboliquement totalisante, de ce livre qui ne tarda pas à faire l’objet d’un véritable culte6, bien avant que ne paraisse la première traduction française, en 1929.

    La publication de l’édition originale, sous l’égide de la librairie parisienne Shakespeare and Company, ne rendit pas l’œuvre plus accessible dans les pays anglo-saxons, puisque les douanes s’efforçaient de saisir tous les exemplaires qui passaient les frontières, mais elle donna lieu à des articles toujours plus nombreux. Les superlatifs fleurissaient. Les détracteurs n’hésitaient pas à affirmer qu’il s’agissait de l’œuvre d’un « fou pervers, spécialisé dans la littérature de latrines7 ». De leur côté, certains admirateurs proclamaient qu’Ulysse était « ce qui a été écrit de plus important en anglais depuis Shakespeare8 ». T. S. Eliot, le poète et critique dont l’autorité allait grandissant, considérait lui aussi que Joyce, en utilisant un parallèle homérique pour donner sens au chaos de la vie moderne, avait fait une découverte scientifique d’une envergure comparable à celles d’Einstein. Il ajoutait que ce livre était l’expression la plus importante de son époque, un livre envers lequel tous étaient endettés, et auquel personne ne pouvait échapper9. C’est dire que Joyce lui-même n’était pas libre de se soustraire à cette dette. D’ailleurs, Eliot confiait en privé qu’après Ulysse « il ne restait à Joyce plus rien sur quoi écrire un autre livre10 ».

    On pouvait en effet se poser la question. Dans les années vingt, l’ombre de Joyce eut un très net effet inhibiteur sur une partie de sa génération. Virginia Woolf ne pouvait écrire sans se demander si Joyce n’était pas en train de faire la même chose en mieux11. Djuna Barnes en était réduite au « suicide littéraire », déclarant qu’il lui était impossible d’écrire une seule ligne après Ulysse 12. Mais il n’était pas facile pour l’auteur lui-même de se montrer à la hauteur d’une telle réputation et de donner un successeur à ce Livre Total que prétend incarner Ulysse. Il ne fallait pas décevoir, mais il ne fallait surtout pas se décevoir. Dans une lettre à son père, Joyce annonçait que ce qu’il écrirait dans le futur dépendrait de l’état de sa vue et de sa « propre approbation interne de ce qu’il écrirait, deux problèmes difficiles13 ». Il lui donne des nouvelles de sa santé oculaire et indique l’évolution probable de la situation à cet égard (deux opérations sont envisagées), mais il ne précise pas les critères de cette « approbation interne », ce qui aurait été plus intéressant que toutes les anecdotes biographiques. Sans doute en aurait-il été incapable à ce moment-là, car il se trouvait dans la situation paradoxale d’être dans l’obligation de se renouveler en profondeur pour pouvoir continuer sur la voie où il s’était engagé et de devoir surprendre pour répondre aux attentes de tous, y compris les siennes.

    Quand Harriet Shaw Weaver, qui était son mécène depuis des années, lui demanda au mois d’août 1922 ce qu’il comptait écrire ensuite, il répondit : « Une histoire du monde14. » On n’en attendait certes pas moins de lui et, en un certain sens, c’est bien ce qu’il allait faire, mais par où commencer un tel projet ? Joyce avait coutume de dire qu’il lui suffisait d’un rien pour se lancer. Encore fallait-il trouver quelque chose qui suscite son intérêt, dans l’état où l’avait laissé l’achèvement d’Ulysse, un état d’asthénie et de dépression post-partum. Ce qui est plus important, c’est que cet épuisement physique et moral coïncidait avec l’épuisement d’une certaine veine qu’il avait exploitée jusque-là. Il avait cannibalisé son roman autobiographique Stephen le Héros pour écrire le Portrait de l’artiste en jeune homme ; il avait prolongé celui-ci, en le combinant avec Gens de Dublin, pour commencer à rédiger Ulysse. Il sentait qu’il fallait maintenant, pour la première fois depuis de longues années, créer quelque chose de totalement nouveau.

    Il fallait trouver une idée qui lui permette de sortir par le haut de l’état de dépendance rétrospective où il se trouvait par rapport au chef-d’œuvre qu’il avait écrit. Dans une lettre de Nice, il demande à son éditrice Sylvia Beach de lui envoyer des nouvelles qui lui rappelleraient qu’il avait été écrivain dans le temps [« that I was once a writer dans le temps 15 »].

    Il jette un coup d’œil du côté de chez Proust, l’autre figure majeure de la nouvelle littérature que l’intelligentsia parisienne veut absolument lui associer. Il écrit en effet, dans la même lettre à Sylvia Beach : « Ma vue s’est améliorée. J’ai pu corriger la première moitié d’Ulysse pour la troisième édition et lire les deux premiers volumes recommandés par Mme Schiff

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    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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