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    Du monde entier

    JAMES JOYCE

    BROUILLONS D’UN BAISER

    Premiers pas vers Finnegans Wake

    RÉUNIS ET PRÉSENTÉS

    PAR DANIEL FERRER

    PRÉFACE ET TRADUCTION DE L’ANGLAIS

    PAR MARIE DARRIEUSSECQ

    GALLIMARD

    AVERTISSEMENT AU LECTEUR

    Cette version numérique vous propose de passer du français à l’anglais – et inversement – à chaque paragraphe : il vous suffit de cliquer sur les pictogrammes >VO / >VF ; par ailleurs, les notes sont cliquables elles aussi dans l’une et l’autre version.

    PRÉFACE

    par Marie Darrieussecq

    Évidemment, traduire Joyce est une drôle d’histoire. Et dans l’ensemble des livres de la littérature mondiale, Finnegans Wake est l’intraduisible par excellence. Il marque une sorte de frontière de la lisibilité, un indépassable qui serait à la littérature ce que la vitesse de la lumière est au monde physique. Pourtant, de tous les livres réputés illisibles, il est sans doute le plus lu. « J’imagine que j’aurai environ onze lecteurs », disait Joyce fin 1926 à Eugène Jolas1. Or dès les premières parutions en épisodes, la radicalité même de Finnegans Wake lui acquit public et réputation.

    Pendant toute la première année du chantier, certains proches de Joyce lui confièrent prudemment leurs doutes quant à l’« inintelligibilité » du texte. Cette « obscurité » lui est reprochée par Ezra Pound (c’est l’hôpital qui se moque de la charité) et par sa mécène Harriet Shaw Weaver. La lettre pourtant mesurée qu’elle lui écrit met Joyce dans tous ses états. Et l’épouse de Joyce, Nora, l’encourage à sa façon : « Pourquoi n’écris-tu pas des livres raisonnables que les gens pourraient comprendre2 ? »

    Joyce fournit un éclaircissement dont la logique est restée célèbre dans le monde des joyciens : « Ils disent que [mon travail en cours] est obscur. Ils le comparent, bien sûr, à Ulysse. Mais l’action d’Ulysse se déroulait principalement de jour, et l’action de mon travail en cours se déroule de nuit. Il est donc naturel que les choses soient moins claires la nuit, non3 ? » Et à la même époque il ajoutait : « Le monde de la nuit ne peut être représenté dans le langage du jour4. »

    Cela me fait penser à la phrase de Pascal : « Ne nous reprochez pas le manque de clarté, car nous en faisons profession ! » Paul Celan, qui protesta souvent contre l’accusation d’hermétisme5, se revendiquait de cette phrase. Et Arno Schmidt, qui de son côté réinventa l’allemand6, rendit hommage à Joyce lors de son discours de réception du prix Goethe en analysant longuement un extrait de Finnegans Wake : « Vous dites “ça ne me dit rien”, et vous croyez en être quitte ? Non point ; la faute pourrait en être au lecteur. À ce même lecteur qui – à condition seulement de passer outre la barrière du préjugé – pourra prendre “the time of his life” dans une lecture de ce genre7. » Arno Schmidt citait, aux côtés de Joyce, Lewis Carroll, Alfred Döblin et Freud, ceux pour qui chaque syllabe peut être « chargée de significations multiples reliées entre elles avec précision ».

    Quand j’ai trouvé, dans la bibliothèque d’Arno Schmidt à Bargfeld, son exemplaire de Finnegans Wake tout usé, tout travaillé, j’en ai été émue. Schmidt avait consacré la fin de sa vie à traduire Finnegans Wake. C’est lors de ce même printemps 2013, par un hasard logique et joycien, que j’ai pu consulter les manuscrits de ces deux géants. La traduction de Schmidt n’a jamais été publiée.

    *

    La complexité de l’écriture de Joyce rend possible tant de lectures qu’elle peut nourrir un délire d’interprétation, attirant une catégorie de lecteurs et lectrices ayant besoin de lire selon un sens caché, voire de croire à une théorie de la révélation. Ces lecteurs et lectrices s’approprient Joyce jusqu’à se l’incorporer : Joyce leur appartient lettre, chair et âme, comme Arno Schmidt ou Paul Celan appartiennent à leurs lecteurs. Ces écrivains à la fois isolés et exposés se sont tenus « en dehors du monde » mais ont pris l’humain en charge avec une telle ambition que leur œuvre recrée une totalité, un équivalent-papier de la vie. Le paradoxe de ces auteurs réputés hermétiques, c’est que leur lecture peut s’avérer très affective : une histoire d’amour exclusif, voire de possession. Entrer dans leurs œuvres est de l’ordre de la jouissance, « the time of [a] life » comme dit Arno Schmidt. On leur trouve du génie ou on les rejette ; mais quand on les prend avec soi, en soi, on se sent appartenir à un monde qui exclut les non-lecteurs de l’œuvre : on se sent initié.

    L’effet sectaire n’est jamais loin, de porter une écriture au rang d’Écritures. Traduire Joyce (ou Celan, ou Schmidt), c’est faire des choix qui ne satisfont pas tout le monde. Les lecteurs les plus passionnés ont leur idée de ce que ça veut dire, en tout cas ce que ça veut dire pour eux. Les uns ont découvert Finnegans Wake dans la traduction de Philippe Lavergne, ou dans celle, en extraits, d’André du Bouchet, préfacée par Michel Butor. D’autres ont pu sacraliser le texte en anglais. Joyce est en tout cas le saint patron des auteurs cultes. Lacan lui a consacré tout un séminaire, Le Sinthome 8, et Joyce est devenu la principale, voire l’unique référence littéraire de beaucoup de psychanalystes. Se rendre à Dublin pour le Bloom’s day donne aussi la mesure de la Joyce mania. L’écrivain y est désormais un business : de nombreux « Joyce’s tours » ou « Bloom’s walks » sont proposés par les agences touristiques ou par le James Joyce Center. La postérité de Beckett, trop parisien sans doute, ne s’est pas exprimée de la même façon. Et ni Borges à Buenos Aires, ni Dostoïevski à Saint-Pétersbourg, ni Kafka à Prague n’ont suscité de phénomène comparable (malgré tous les gadgets à leur effigie)… ni même Dante, Goethe ou Cervantès… Aucun de ces géants ne provoque une vénération aussi obsessionnelle, aussi hystérique, aussi paranoïaque. Pour se rendre compte de la popularité de Joyce dans toutes sortes d’univers, il suffit d’ailleurs de se rendre sur Internet : soixante-huit millions d’entrées « James Joyce » sur Google. C’est vingt millions de plus que pour William Shakespeare, c’est deux fois plus que pour Elvis Presley, dix fois plus que pour Pablo Picasso, douze fois plus que pour Samuel Beckett.

    Je n’ai jamais fait partie de l’Église Joyce. Je lui reconnais bien sûr une grande place dans la littérature, mais parmi d’autres, et ce n’est pas mon auteur préféré. Je lui trouve des limites, dont sa misogynie ; ses constructions verbales ne m’excitent pas toutes, et sa référenciation galopante m’exclut souvent. Mais j’ai dû lui livrer un combat, dont on voit les traces dans au moins un de mes romans : Bref séjour chez les vivants (2001). Comme tous les écrivains l’ont fait avec de grands rivaux, j’ai dû me débarrasser de lui en duel. Le lire, et m’en défaire. On ne peut pas écrire et ignorer Joyce. On ne peut pas non plus écrire et rester avec lui. C’est aussi simple et difficile que ça.

    Entre mes vingt et mes trente ans, dans les années 90, j’avais essayé au moins cinq fois d’entrer dans Ulysse. J’avais lu Stephen le Héros, Portrait de l’artiste en jeune homme, Gens de Dublin, mais Ulysse, je n’y arrivais pas. Dès le seuil, je ne comprenais rien à la topographie : escalier, parapet, plateforme, baie de Dublin. Et la teneur du dialogue autour de la théière m’échappait. Qu’il n’y ait pas d’histoire, soit. Mais je ne parvenais même pas à visualiser les lieux et les corps, je voyais des ombres circulant dans des limbes. Je distinguais seulement ce parapet et cette théière au milieu de centaines de références gréco-irlando-latines (plus un peu de Loyola).

    En 1998 je m’autorisai enfin à sauter le premier chapitre et à commencer par le petit déjeuner de Bloom. Et tout s’ensuivit, d’un seul coup, d’un seul trait. Et après le « oui » final, au bout du millier de pages, je revins au majestueux et dodu Buck Mulligan de la première phrase. J’avais trouvé la porte d’entrée : pas sur le devant mais un peu de côté. La longueur du texte, que je n’ai quitté qu’à regret, n’entrait pas en compte : j’avais lu les cent pages de La Princesse de Clèves avec la même difficulté initiale, en commençant après le début et retour par la fin.

    Les grandes œuvres sont circulaires. Elles sont faites pour être relues. Leur sens se modifie comme nos vies avancent. J’ai quarante-cinq ans, j’ai lu la Princesse vingt fois, Ulysse deux fois et demie : c’est dans les relectures que la longueur des textes finit par compter.

    Commencer par le milieu est d’ailleurs le conseil que donne Deleuze pour la littérature en général. Et c’est une bonne méthode, à mon avis, pour Finnegans Wake. D’autant que ce livre est strictement circulaire : il invite, « par un commode vice de recirculation », à être ouvert au hasard. C’est un livre qui défie le lecteur ou qui lui fait de l’œil, selon. Eat me, comme chez Alice. Mange-moi, et tu te transformeras. Bienvenue dans mon labyrinthe, bienvenue dans mes coïncidences, à mes carrefours tu te trouveras en bonne compagnie, à mes ronds-points tu tourneras en bourrique.

    On peut sauter des pages, ça n’est pas interdit. Avoir lu tout Finnegans Wake me semble même de l’ordre de l’inquiétant. Dans sa préface à l’édition de 1962, Michel Butor dit qu’il n’a pas « lu » le livre de Joyce : « Qu’est-ce que l’on entend au juste quand on emploie le verbe lire ? » Butor a l’intuition de ce qu’on appellera plus tard les liens hypertextes : « Chacun de ces mots pourra

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    Tags:
    Classique, Fiction, Littérature, Roman
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